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Correction du français : quand faut-il bannir les anglicismes ?



Les correcteurs sont souvent confrontés à l'épineuse question des anglicismes. Faut-il systématiquement les corriger ? Comment le savoir ? Dans certains contextes, il est facile de trancher. S'il s'agit d'un article web (et d’un !) parlant de la start-up nation (et de deux !), alors une certaine indulgence sera de mise. S'il s'agit d'un texte de loi, en revanche, pas de quartier ! Mais dans le cadre d'un roman ?


Les anglicismes, qu'est-ce que c'est ?


Définition


Les anglicismes font partie de notre quotidien, nous en utilisons parfois sans nous en rendre compte. Il s'agit de ces mots anglais qui sont venus s'installer dans notre langage courant : parking, shopping, et plus récemment hashtag ou encore spoiler. Ces emprunts que nous faisons à la langue anglaise, nous n'hésitons pas à les franciser. Apparaissent ainsi des mots hybrides comme scroller, taguer, liker (notez comme tous les verbes que nous nous approprions deviennent automatiquement des verbes du premier groupe), ou encore mixage et footballistique. Certains, enfin, se sont si parfaitement intégrés que nous ne les identifions plus comme tels, comme le nom « addiction » et son adjectif « addictif ».


Histoire


Dès lors que différentes civilisations sont en contact, on observe des échanges entre les langues. Aujourd'hui, et ce depuis le xxe siècle, l'anglais domine l'Europe, et des anglicismes apparaissent donc un peu partout. Il faut cependant savoir qu'il n'en a pas toujours été ainsi. Fut un temps où c'était la langue anglaise qui était truffée de gallicismes. Ainsi, certains mots que l’on considère aujourd’hui comme des anglicismes, sont en réalité des mots français qui reviennent dans leur langue originelle, comme « challenge » qui vient en réalité du français « challengier » !


Les différents anglicismes


On distingue trois types principaux d'anglicismes : les sémantiques, les syntaxiques et les lexicaux. Les lexicaux sont les plus facilement identifiables : ce sont les mots anglais que nous avons incorporés à la langue française tels quels. Les sémantiques sont un peu plus difficiles à reconnaître : il s'agit de ces mots français qui adoptent une nouvelle signification en se calquant sur les mots anglais. Par exemple, en français, le verbe « réaliser » signifie « accomplir quelque chose, faire passer à l'état de réalité concrète ». Or, nous avons progressivement ajouté un autre sens à ce mot, celui de « se rendre compte, prendre conscience avec précision », et qui est le sens du verbe anglais « to realize ». Enfin, les anglicismes lexicaux sont les structures de phrases anglaises que nous imitons en français. Par exemple, « cela fait sens ! » en est un, inspiré de « this makes sense ». En français traditionnel, nous dirions tout simplement « cela a du sens ».


Pourquoi remplaçons-nous des mots français par des mots anglais ?


Des équivalents qui n'existent pas


La meilleure raison pour incorporer des anglicismes au français est d'ajouter des concepts qui n'existaient pas avant ou ne sont pas traduisibles, ou encore pour désigner de nouveaux outils qui n'ont pas d'équivalents français. Parmi ceux-là, nous pouvons citer le mot « prospect », qui désigne des clients potentiels et qui a donné le verbe « prospecter » (mais il s'agit d'un faux-anglicisme en réalité, car il vient du latin « prospectus » ou « prospicere »). Toujours dans le monde de l'entreprise, il y a le terme « brainstorming » qui désigne une réunion visant à mettre en commun des idées différentes pour avancer sur un projet. Le français « remue-méninges » est proposé comme alternative, mais force est de constater qu'il ne parvient pas à s'imposer.


La plupart du temps, lorsque des mots anglais apparaissent dans la langue française, nous leur trouvons des équivalents, comme « remue-méninges », mais aussi « divulgâcher » pour « spoiler ». Mais comme ces nouveaux mots sont créés après les anglicismes, ils ne sont que très peu utilisés.


Des effets de mode


L’autre raison d’utiliser ces anglicismes est plus simple : l'effet de mode.


Quand le monde entier joue à un jeu vidéo international, la langue anglaise va s'imposer comme langue commune, et on parlera alors de « movespeed » ou « attack speed », alors que « vitesse de déplacement » et « vitesse d'attaque » existent bel et bien ! Le même phénomène existe dans les réseaux sociaux : on tague, on like, on follow, on add..., que des mots dont les équivalents français existent, mais les utiliser paraîtrait ringard. Par ailleurs, il faut noter que si certains anglicismes apparaissent à cause de ces effets de mode, il n'est pas rare qu'ils disparaissent également. Ainsi, à une époque pas si lointaine, il était courant de parler de « kids » ou de « teenagers » ; maintenant, ce sont des mots que l'on n'entend plus. Les français « enfants » et « adolescents » (ou, plus souvent, la contraction « ados ») ont repris le dessus. Il faut donc distinguer les anglicismes qui s'inscrivent dans la langue de manière durable, de ceux qui ne sont qu'éphémères !


Comment trancher ?


Des règles différentes pour la narration et les dialogues


Nous arrivons au cœur du sujet. Tout d'abord, il est important de distinguer la narration du dialogue. Dans les dialogues, la correction devra être plus souple pour que les personnages puissent s'exprimer de manière crédible et cohérente. Si le roman que vous corrigez est un roman contemporain et que le personnage qui parle est un adolescent, il dira « spoiler » et non « divulgâcher ». Ou alors l'emploi de la version française devra être justifié, car elle ne répond pas à la norme et n'est donc pas ce qui est attendu d'un adolescent. Idem pour certains anglicismes plus anciens comme « cool », « top », « loser », « crush », et ainsi de suite. Cette indulgence ne sera en revanche pas forcément pertinente ou utile dans le cadre de la narration (à moins qu'il ne s'agisse d'une narration à la première personne).


S'assurer de la cohérence du texte


Si l'on peut choisir d'adopter une certaine complaisance à l'égard des anglicismes, cela ne doit pas se faire au détriment de la cohérence d'un texte. Si vous corrigez un roman de fantasy, ils sont à proscrire ! Ou alors, il faut que ceux-ci soient justifiés (par la présence d'une autre civilisation dont la langue ressemblerait à l'anglais ou aurait des contacts étroits avec la langue des personnages principaux). De la même manière, si vous corrigez un texte dont l'histoire est censée se dérouler à l'époque de la Renaissance… Dialogue ou pas, les anglicismes sont à bannir.


En réalité, il y a peu de situations, pour un correcteur, où les anglicismes ne sont pas à corriger. De manière générale, les anglicismes syntaxiques sont toujours à bannir, les sémantiques aussi. Seuls les lexicaux peuvent recevoir une certaine indulgence, et seulement dans certains cas précis.

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